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Les carnets de route de Sylvatrop
5 décembre 2007

Sinikankadi et entretiens avec les chasseurs de Téré

Le lendemain de la sortie sur le mont Wonon, le 17 novembre 2007, je suis parti, toujours en compagnie de Lanciné Konaté, vers le sud,  en direction du mont Sinikankadi, avec un second pisteur prénommé Lancé, lui aussi chasseur. Lanciné Konaté s’est révélé d’une grande sagesse en plus de ses connaissances aigues de la faune sauvage et du milieu.

Lancé pensait que nous devions trouver de nouvelles traces de chimpanzés dans cette zone.

Nous avons emporté avec nous un piège photo acheté par Albert Clapasson, pour tenter de ramener quelques images d’animaux sauvages.

Campement_culture_Lanc____Lancin__light2

Nous sommes sortis de la zone agricole après deux petites heures de marche qui nous ont vu traverser un immense bas fonds et faire une pause dans un petit campement agricole.

Lancé en a profité pour nous vanter la qualité de la terre dans la région et l'intéret des populations pour sa culture.


Nous avons ensuite progressé entre savanes arbustives, arborées, herbeuses et forêts galeries.



C’est dans l’une de ces dernières que nous avons posé le piège photo, aux abords d’une saline dont le sol était labouré de traces d'ongulés.

Céphalophes rouges, guib harnachés, cob defassa, hippotrague rouan et bubale major fréquentent assidûment ce genre d’endroit dans lequel ils viennent chercher le sel qui manque à leur alimentation végétale.

La zone que j’ai exploré ce jour, au sud du mont Wonon, autour du Sinikankadi était bien plus riche en grande faune que les alentour de Wonon.

Nous avons fait ce jour là, en quelques heures, plus d’une centaine d’observations, essentiellement de signes de présence de grands ongulés parmi lesquels le bubale major et l’hippotrague étaient largement représentés.

De retour au campement ce soir là, un excellent plat de riz nous attendait. Moussa s’était surpassé… génial.

Comme je voulais aussi travailler mon intégration au milieu, j’ai décidé de ne pas aller en brousse le lendemain et de rester au campement à discuter avec les gars, Lanciné me servant de traducteur pour pallier à mon malinké déplorable.

Nous avons donc passé la journée à discuter de faune sauvage, de conservation, mais aussi de nous, de nos familles respectives, des différences entre la vie dans cette région reculée de la Guinée et en France.

La veille au soir, un jeune chasseur du village était passé pour aller dans son champ lutter contre les aulacodes. Je dis lutter car c’est bien d’un combat qu’il s’agit entre le cultivateur et le plus redoutable ennemi du champ de riz, le grand aulacode.

Chasseur___T_r__1_recad__75dpi

Il est réapparu le lendemain en milieu de matinée, avec deux aulacodes tués pendant la nuit. Pas vraiment à l’aise le jeune homme. Il a échangé quelques mots avec Djiba et Lancé, que Lanciné m’a aussitôt traduit. Il était tout simplement inquiet de ma réaction face à la capture des deux gros rongeurs. J’ai ri ! Puis ai demandé s’il pouvait accepter de me vendre l’une des deux bêtes. L’affaire a été conclue rapidement, pas question de négocier avec ces gens qui gagnent si peu. Nous nous sommes alors retrouvés avec 5 bons kg de viande de brousse fraîche.



L’aulacode est l’un des mets les plus prisés de l’Afrique sub-saharienne. Non seulement parce que sa viande est effectivement excellente, mais aussi car dans l’esprit des gens, en brousse, un bon aulacode est un aulacode cuit !.....

Moryba_pr_pa_aulacode_100dpi
Reprenant le cour de mes discussions, le jeune chasseur s’étant joint à nous, et pendant que Moryba préparait l'aulacode;

j’ai appris que les chasseurs de Téré ont pleinement conscience du phénomène de raréfaction de la faune sauvage. Ils m’ont alors expliqué qu’ils avaient un système ancestral de gestion de la faune sauvage, basé sur l’interdiction de chasser dans certaines zones, dont celle ou j’avais été la veille. Ceci expliquant, en partie au moins, l’abondance des indices de présence que j’y avais trouvé.

Un autre sujet de discussion qui nous a beaucoup occupés, lors de cette journée qui s’est prolongée tard dans la nuit, a été celui de la création récente du parc Diwasi.

En effet, aux dires de mes compagnons, il est apparu que les nouveaux locataires de la région sont arrivé du jour au lendemain, avec le bail qui leur octroie la jouissance des 104 000 ha prévus pour la création du parc, la zone intégralement protégée ayant été « tracée » à l’image des frontières africaines lors de la décolonisation, c'est-à-dire sans aucune concertation avec les populations, comme cela m'avait déjà été expliqué au village.

Il en résulte que le village de Téré perd la majeure partie de son terroir traditionnel et que les principaux lieux de culte des villageois sont situés dans la zone intégralement protégée du parc. L’un des jeunes hommes m’a dit alors : « tu sais on dit chez nous que là ou la poule à l’habitude d’aller picorer, quoi que l’on fasse pour l’en empêcher, elle y retournera toujours »......

Je me sentais gêné vis-à-vis de ces hommes représentants de communautés vieilles de plusieurs siècles et qui du jour au lendemain perdait la jouissance des terres que leurs aïeux avaient acquises en payant souvent de leurs vies. Pourtant, il ne m’étais pas possible de prendre un quelconque partit. Je devais rester neutre si je voulais en apprendre d’avantage et continuer à me rapprocher d’eux et de leurs parents.

En ce début de 21ème siècle, la communauté internationale reconnaît maintenant les droits d’usages des populations riveraines des aires protégées.

Je me couchais ce soir dans mon hamac avec une question lancinante : Comment ont-ils pus faire cela ? Ont-ils même conscience des conséquences de leurs actes ?

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